Elle a caché son maillot

 

Odette son amie l’attendait chez elle déjà prête. « Dépêche-toi ! », lui dit-elle.

Elle a sorti son maillot, elle l’avait acheté à Baze,  avec ses bons de vêtements. Le plus beau et le plus désiré des maillots blancs.

Elle se sentait effrayée, rebelle, résistante…. Fille de rien comme lui aurait dit sa mère. Si elle avait su…

Et ce bonheur de posséder son désir au contact de sa peau, ce tissu si léger, Elle se sentait belle comme l’actrice du lac aux dames.

Elle a le  maillot avec ses vêtements. Odette lui a prêté une serviette, pas trop belle,  mais elle n’allait pas faire sa starlette, bien contente d’en avoir une.

Elles sont parties éblouies par le miroir de la méditerranée étalée à leurs pieds.

Un quart d’heure pour arriver à la plage, un quart d’heure avant de goûter au fruit défendu.

En s’approchant de la mer elles ont ralenti le pas, se sont rapprochées se tenant bras contre bras pour se donner du courage.

Sur la plage une dizaine de garçons, elles les connaissaient tous depuis la naissance  mais il valait mieux jouer aux étrangères.

Elles se sont déshabillées lentement, pour arborer leurs fabuleux maillots de femmes libres.

Autour d’elles les jeunes mâles hurlaient, leur parade explosive rappelait une parade animale.

Les biches allongées sur la plage paraissaient aveugles, sourdes et muettes.

Elle s’est levée comme une princesse sur le tapis de sable déployé. Son pas nu de reine l’a conduite au bord de l’eau.

Elle a touché du bout des orteils le trésor interdit, son pied a pénétré dans le liquide, et elle s’est souvenue de son insouciance d’enfant de l’époque pas si lointaine ou en culotte blanche elle rentrait dans la mer en faisant gicler des gouttes en feux d’artifice.

La plante de ses pieds, sur le sable inondé, s’est lentement enfoncée, ses chevilles battues par les vagues douces et fraîches, procuraient à son corps entier une sensation de bien être.

Son maillot blanc son objet de désir devint source d’inquiétude, et si elle le salissait en entrant dans l’eau ?

Pourquoi avait-elle voulu ce maillot blanc ? Sa sœur aînée madame «  je sais tout », l’avait prévenue, «  prends le bleu marine, cela crains moins, et il tiendra plus longtemps ». Le mariage avait rendu Marie très sérieuse.

Ses pensées chagrines l’éloignaient du plaisir. Odette la rejoignit « alors, on y va ? ».

En se tenant par la main d’un pas maladroit elles avancèrent, l’eau leur arrivait aux cuisses. Odette sautillait en poussant de petits cris.

Les garçons ne faisaient plus les fous, assis ils regardaient les deux jeunes filles.

L’adolescence avait creusé un gouffre entre eux.

Elle ne supportait plus leurs regards, son maillot soudain lui parut inexistant, incongru, inadapté. Et leurs regards ! Quelle honte !

Une grande colère la saisit, mais quelle idée tordue. Pourquoi était-elle venue ici ?

Elle lâcha la main d’Odette et partit en nageant vers les rochers. Son corps se souvenait, il se souvenait de la flottaison, il avançait dans l’eau. Depuis cinq ans interdit de baignades suite au veto émis par la reine mère, son corps avait résisté sourdement, il avançait dans la claire fraîcheur.

Eblouie par les scintillements du soleil sur la surface de la mer, éblouie par cinq ans d’absence et de punition, elle retrouvait son corps de petite fille.

Maïté